20 décembre 2011


Rencontre avec Tom Bresemann
 
Tom est poète. Avec son comparse Moritz Malsch il anime Lettrétage, un lieu magnifique, dans lequel se tiennent chaque semaine et parfois même plusieurs fois par semaine des lectures de poésie. C’est au cours d’une de ces soirées que j’ai fait la connaissance de Tom et appris qu’il venait de Hohenschönhausen, c’est-à-dire tout à côté de Marzahn, à l’ouest de la voie de S-Bahn. Des immeubles semblables à ceux de Marzahn, construits à la même époque…
 
Le quartier de Hohenschönhausen est connu car c’est là que se tenaient les geôles de la Stasi. Lorsque je parle à Tom de notre projet de spectacle sur Marzahn, il répond « Marzahn, ça alors, c’est intéressant ! » et m'offre Storchennest (Nid de cigognes) un poème qu’il a écrit sur son enfance dans un Plattenbau. Tom accepte d’emblée l’idée d’une rencontre, il se prête volontiers à mes questions parfois naïves, maladroites ou brutales. Ainsi j’apprends qu’il a emménagé à Hohenschönhausen lorsqu’il avait un an. La plupart des membres de sa familles, ses oncles et tantes, ses grands-parents, ses amis… vivaient dans des immeubles semblables et il s’agissait là de la seule manière d’habiter qu’il connaissait. Il ne trouvait ça ni laid ni beau, la question ne se posait pas. Et puis les enfants détournent l’architecture dans laquelle il vivent pour un faire un vaste terrain de jeux. Il en a bien profité avec les autre gamins du quartier. Il évoque le « téléphone » que constituait le tuyau de chauffage à travers lequel il s’entretenait avec son voisin et ami qui habitait à l’étage au-dessus en collant alternativement la bouche et l’oreille contre le tuyau. Les courses poursuites dans les vastes couloirs des caves. Et enfin cette particularité qui faisait que le neuvième étage des immeubles mitoyens communiquaient, si bien que les enfants pouvaient circuler d’un bâtiment à l’autre sans passer par l’extérieur. Ils découvraient là un univers semblable au leur, presque semblable et pourtant étranger.  
 
Il avait une dizaine d’années lorsque le mur est tombé, au bon moment pour lui nous dit-il. Car la vie dans le nid de cigognes, sécurisante pour l’enfant qu’il était, serait devenue étouffante par la suite. La vie culturelle du centre de Berlin l’attirait irrésistiblement. A 10 ans, il a néanmoins attendu plusieurs mois avant d’aller « de l’autre côté ». C’est que ses parents étaient des communistes convaincus. C’était d’ailleurs le cas de la plupart des habitants, En effet, accéder à un logement neuf dans ces nouveaux quartiers si ce n’était pas un privilège, était tout de même une chance à laquelle tout un chacun ne pouvait accéder. En outre, le père de Tom travaillait pour la Stasi et à ce titre, il n’avait pas le droit de passer la frontière, même après son ouverture. Tom a donc dû patienter pour aller voir l’ouest, jusqu’à ce que des amis l’emmènent avec eux…  Il habite aujourd’hui dans un vieil immeuble mal isolé de Neukölln. Pour rien au monde il ne retournerait dans un Plattenbau. Il n’en supporterait plus l’atmosphère. Le fait que chacun sache tout de tout le monde. Et surtout nous dit-il, là-bas, le moindre de tes actes acquiert une valeur particulière, un sens qui le dépasse. Ici, à Kreuzberg, il écrit parce que ça lui plaît, et cela lui suffit.




 

 

 

 

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